Ancien diplômé 2020 en Bac Pro CGEA à Pouillé, Louis Beneteau entreprend un périple vers le Canada après avoir complété une licence Pro en Management des Activités Commerciales. Fasciné par l’élevage laitier et désireux de voyager, il trouve une opportunité chez un agriculteur suisse dans le sud du Manitoba. Plongé dans un environnement hivernal extrême, Louis découvre une exploitation laitière prospère avec des méthodes d’élevage modernes et un marché rentable, enrichissant ainsi son expérience et ses compétences.

Contextualisation et naissance du projet

Je suis sorti de la promo 2020, diplômé d’un Bac Pro CGEA, durant lequel j’avais déjà réalisé un stage de 1 mois et demi dans une ferme en Irlande. J’ai ensuite réalisé un BTS ACSE en alternance à l’ESA d’Angers en vue d’une installation. A la suite de ce BTS, j’ai souhaité poursuivre mes études en licence Pro Management des Activités Commerciales en alternance chez un fabricant de nutrition animale comme technico-commercial ruminants. Le but de cette licence était d’avoir un Bac+3 afin de pouvoir avoir un diplôme reconnu à l’étranger car j’ai toujours eu envie de voyager. A la sortie de la licence, j’envisageais de faire 4 mois de césure en stage à l’étranger puis de commencer à travailler comme technicien pour mon entreprise d’alternance.

J’ai choisi le Canada car je souhaitais découvrir ce pays avec les grands espaces et les grands élevages. Notamment les élevages laitiers, étant passionné par ce système.

J’ai donc trouvé un agriculteur Suisse immigré au Canada et propriétaire d’une exploitation laitière dans le sud du Manitoba à 1h de la frontière américaine. L’exploitant a accepté de me prendre en « permis de travail fermé » dans le cadre d’un programme professionnel pour les jeunes afin de simplifier les démarches. Le contact a été trouvé par des connaissances de mon village.

Le Manitoba

L’exploitation est située à 45 minutes au sud de Winnipeg dans une province anglophone. Le Manitoba est situé sur un paysage de prairies/plaines. Situées dans le lit d’anciens grands lacs, les terres sont très profondes, très fortes et très fertiles. En revanche, la zone est inondable au printemps par les crues des rivières rejoignant les lacs Winnipeg et Manitoba au nord de la province.

L’été et l’automne Manitobain sont semblables à la France. En revanche, l’hiver est très froid avec des températures descendant à -40°C au plus froid de l’hiver et une moyenne de 126cm de neige par an. Le printemps quant à lui est assez contraignant car de nombreuses inondations liées au relief et la fonte de la neige.

L’atelier laitier

L’exploitation est donc une structure laitière avec une production annuelle avoisinant les 9 millions de litres de lait. Contrairement à la France, le Canada fonctionne toujours avec le système de quota laitier. Les éleveurs achètent donc le quota en poids de matière grasse. Le cheptel est composé de 780 vaches (60% Holstein – 40% Jersiais). La production moyenne par vache/jour est de 38 litres sur 2023.

L’exploitation est composée d’une salle de traite 2×20 en double équipement. Seulement 2 lots d’environ 180 vaches laitières chacun passent en salle de traite, ce sont les vaches à moins de 30 litres réparties selon leur production afin d’avoir une ration adaptée à leurs besoins. Il y a 3 traites par jour :

  • 4h30 à 9h
  • 12h30 à 16h
  • 19h30 à 23h

Il y a également 7 robots de traite DeLaval. L’un d’eux est destiné à un lot de 60 vaches, principalement les retardataires récurrentes et permettant le dressage des génisses au robot. Il y a deux lots de 180 VL avec 3 robots pour chaque, ce sont les vaches en lactation.

Concernant les veaux, ceux-ci sont sevrées à 70 jours, les mâles vendus à 15 jours, la nurserie est composée de 8 salles de 25 places chacune et de 4 DAL 4 stalles soit 2 stalles par salles. Ils sont élevés sur paille.

Les génisses, et les vaches taries sont élevées sur fumier composté. C’est-à-dire que chaque jour, nous passons le cultivateur sur les litières afin de les retourner puis nous ajoutons de la sciure de bois afin d’assécher les litières. Les étables sont vidées deux fois par an. L’exploitation est équipée pour subir les grands froids de l’hiver et toutes les étables sont isolées voire chauffées.

100% des femelles inséminées en race pures sont fécondées en semences sexées pour permettre de choisir les meilleures génisses pour le renouvellement, afin de garder le meilleur niveau de production possible.

Au niveau de l’alimentation, l’exploitation est autonome au niveau des fourrages excepté pour la paille. En revanche pour les concentrés, il est acheté environ 60 tonnes de tourteau de colza brut toutes les 3 semaines environ pour la complémentation protéique à l’auge. De plus, la ration contient de la crème de pois (environ 1500T/an) incorporée à la ration pour augmenter le taux de protéines dans la ration à l’auge. Les vaches en salle de traite sont en ration complète car la salle de traite n’est pas équipée de distributeur et l’éleveur ne souhaite pas investir dans des distributeurs automatiques de concentrés à l’étable. Les vaches au robot sont en ration semi complète avec une complémentation en aliment unique en granulés pour augmenter le taux énergétique et protéique de la ration. 

L’atelier végétal

L’exploitation possède environ 650ha de terres cultivables. L’assolement est très simple car toute la production végétale est destinée à l’alimentation du troupeau.

  • 300ha de maïs ensilage
  • 200ha de seigle d’automne
  • 150ha de luzerne

La taille moyenne d’une parcelle sur l’exploitation est de 100ha. Il n’y a pas de rotation au niveau des cultures.

L’exploitation réalise également de la prestation de pressage à de paille, d’ensilage, de semis et d’épandage.

Les principaux matériels sont 2 ensileuses Krone, Case Quadtrack 550cv, 2 Xerion 4000 et 3 Claas Arion 880, 920 et 930, remorques à grain, épandeur à fumier, chargeuse et télescopique, mais aussi 2 déchaumeurs à disques 12m ainsi que deux tracteurs routiers ainsi que des semi-remorques benne, fond mouvant, plateau. Mais également 2 semoirs nord-américains dont un semoir en ligne et un semoir à céréales. L’exploitation possède également un ensemble de double tonne à lisier en série d’une contenance totale de 60m3. Pour terminer sur le gros matériel, une presse cubique Claas Quadrant 5300.

Pour le matériel d’élevage, le travail manuel est diminué au maximum grâce à 4 chargeuses compactes de type Bobcat, 2 à chenilles et 2 à roues.

La main d’œuvre

Environ une vingtaine de personnes travaillent en permanence sur l’exploitation. La majorité des personnes travaillent à la traite car pour chaque  « shift », 4 personnes sont nécessaires, 10 sont à la traite sur la semaines et 4 ou 5 les week-end. Au niveau des cultures 5 personnes sont nécessaires pour les travaux de récoltes. Pour l’alimentation, une personne est de permanence la semaine et une autre le week-end.

Mise en marché

Le lait de la ferme est vendu à une laiterie pour de la transformation en fromage cheddar ou en lait. Le lait est fixé au niveau de la laiterie en fonction du taux de matière grasse. Pour ce qui est des cultures, elles sont toutes destinées à l’alimentation des animaux. En revanche, l’éleveur achète de la paille en andain, la presse et revend le surplus à des éleveurs durant l’hiver.

Analyse et comparaison

Comparé à l’Europe, la production laitière est très rentable avec un prix de vente aux alentours des 700€/1000L, les couts de production sont supérieurs à l’Europe mais sont compensés par un prix du lait nettement plus élevé permettant de sortir une marge supérieure.

Le bien-être animal est très présent, car toutes les vaches sont en intérieur dans des bâtiments isolés et complètement fermés pendant l’hiver. Les étables sont équipées de nombreux gros ventilateurs permettant une ventilation dynamique très efficace. Cependant lors de leur immigration depuis la suisse, les éleveurs ont tenté de faire pâturer les animaux mais l’été est chaud et sec avec des invasions de mouches piquantes en raison des grands lacs plus au nord. L’hiver est très rude et les vaches ne sont pas à l’aise face à de telles températures. Ils ont donc abandonné ce système. Le grand nombre de vaches permet de donner les moyens aux éleveurs de mettre les animaux dans un confort optimal. L’année passée encore les veaux étaient élevés dehors en igloo même par grand froid, mais les éleveurs ont maintenant pu investir dans une grande nurserie chauffée et ventilée avec 8 salles avec ventilation indépendante afin d’éviter la propagation de toutes pathologies, ce qui a permis de faire drastiquement baisser le taux de perte des veaux. Au niveau des robots les vaches sont libres d’aller se faire traire avec une moyenne de 2,69 traites quotidiennes sur 400 vaches environ. De plus sur ces 400 vaches, il y a une moyenne de 15 retardataires par jour sur l’ensemble des vaches au robot soit 3%, ce qui montre le confort des vaches à aller se traire en autonomie. Sur l’exploitation, aucun traitement hormonal n’est pratiqué sur les vaches en lactation et sur les vaches en finition. Seules les génisses ont un traitement hormonal visant à la synchronisation des chaleurs pour améliorer la réussite à l’insémination.

Ressenti de l’expérience

Après 2 mois sur l’exploitation, j’ai trouvé que le travail sur l’exploitation était ce que je recherchais et j’ai donc décidé de prolonger mon permis de travail jusqu’au mois de novembre 2024. J’ai la chance de vivre cette expérience aujourd’hui et je ne veux pas attendre d’avoir signé un CDI pour regretter d’être rentré si vite sans être allé, selon moi au bout de mon expérience.

Cette expérience est très enrichissante, par la découverte de la culture canadienne et d’une nouvelle forme d’agriculture jusqu’à l’approfondissement de l’apprentissage de l’anglais.

Selon moi, le Canada est un pays où la production laitière se porte bien, les éleveurs peuvent se dégager un revenu pérenne. Néanmoins, les éleveurs ne touchent pas d’aides comme on peut avoir la PAC en Europe. De plus, la main d’œuvre en élevage est plus simple à trouver bien que les avantages salariaux soient différents (semaines de 40h, 2 semaines de congés payés…). Le Canada est un pays d’avenir en matière d’agriculture bien que ça ne le soit moins par rapport à il y a 15 ans en raison d’une explosion des prix du foncier et de la spéculation sur celui-ci. Cela reste un pays avec de la place pour se développer et pour s’implanter correctement pour gagner décemment sa vie.

Louis BENETEAU

Pour contacter Louis : louisbeneteau@sfr.fr